« L’univers n’est que changement ; la vie n’est qu’opinion », Marc-Aurèle

« Parmi les vérités qui doivent être les plus présentes à ton esprit pour les méditer, place les deux suivantes : d’une part les choses extérieures n’atteignent pas l’âme, mais restent en dehors d’elle dans leur indifférence, et nos troubles résultent de notre seule opinion intérieure ; d’autre part, tout ce que tu vois changera bientôt, et ne sera plus ; enfin médite constamment sur tant de choses que tu as vues se modifier. L’univers n’est que changement ; la vie n’est qu’opinion. » Marc-Aurèle dans livre IV de ses « Pensées à moi-même ».

Il nous enseigne dans son anthologie à relativiser, à prendre conscience que les biens et les maux ont une importance très minime au regard du temps puisque voués à disparaître et, même dans l’hypothèse que ce ne serait pas le cas,  ne concernera plus l’être mortel qu’il fut.

Plus loin il parle de la postérité et là aussi il explique en quoi tout ceci est vain puisque la transmission de la mémoire d’un défunt par d’autres êtres mortels comme lui amènera fatalement à ce que plus personne ne l’ait connu de son vivant ni ne connaisse des hommes ou des femmes qui l’ait connu. Ainsi, qu’est-ce que la postérité si son objet est devenu impersonnel à ceux qui entendent ses mots ? Le salut n’est pas dans cette direction.

Le côté positif est que les mauvaises choses ont aussi une fin ; La postérité n’est pas toujours positive. Ma pensée se tourne vers Leo Ferret : « avec le temps va, tout s’en va ». Si de notre vivant l’oubli est souvent le plus fort alors qu’attendre de nos survivants ? Sans parler qu’il est déjà difficile de se définir, de se connaître soi-même, alors croyez-vous que d’autres, a fortiori d’autres qui ne vous ont pas connu ni l’un de vos proches, puissent savoir de vous ? L’anthologie de Marc-Aurèle ne saurait y remédier malgré son caractère intimiste. D’une part il s’agit du vieil homme qui a fortement changé au cours de sa vie et qui ne saurait remplacer les autres lui-même plus jeunes. D’autre part, il sait en écrivant qu’il s’adresse à un public beaucoup plus large que lui-même, donc il sélectionne ses pensées, il les travaille, il les enjolive. Dîtes-vous bien que ce n’est pas une critique négative, c’est naturel et même sain.

Les pensées vont et viennent dans notre cerveau, il ne peut les stocker toutes. D’autant plus que leur renouvellement est essentiel pour cheminer sur notre évolution personnelle. Les pensées que Marc-Aurèle nous livre sont un état d’esprit qu’il avait au moment de son écriture. Bien sûr elles reflètent aussi son cheminement accompli le long de la majeure partie de son existence. Mais l’on sait bien que l’exposé de nos idées n’est jamais comme on voudrait qu’il soit, car les idées en amènent d’autres plus anciennes ou toutes nouvelles. On sait aussi les effets de l’intertextualité entre les idées lues ou entendues ou simplement dans l’air… bref, on ne peut pas se baser sur cette anthologie pour connaître l’homme dans son ensemble. Tout au plus utilisons-là pour notre progression personnelle.

4 mai 2010

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