Qu’est-ce que la sagesse?

Dans les propos de Luc Ferry à l’occasion de son livre « Apprendre à vivre », il avait été question de la sagesse comme objectif implicite (en tout cas étymologiquement) de la philosophie. Luc Ferry avait toutefois insisté sur le caractère inatteignable de cet état de grâce ultime qu’est la sagesse au regard du genre humain. Néanmoins, l’objectif demeure sans qu’il soit considéré comme un idéal. Là aussi Luc Ferry a bien insisté sur les méfaits des idéaux.
André Comte-Sponville revient sur cette question dès les premières pages (pages 14 à 16) de la transcription de la conférence qu’il a tenu le 18 octobre 1999, intitulée « Le bonheur déséspérement », pour nous conduire à une définition du savoir-être philosophe, non pas en tant que grand sage dans l’idéal Grec, ni comme professionnel de la philosophie, mais dans un état d’esprit dans la vie de tous les jours qui rejoint le thème « Apprendre à vivre ».
Cette analyse top-down, dont je vais vous citer quelques extraits, va se dérouler du général au particulier mais plus spécifiquement un particulier qui fusionne avec le général et que l’on appelle généralement singulier, c’est à dire une somme de cas particuliers qui donne une portée humaniste plus forte que ces constituants pris séparément et un réalisme plus soutenu que toute règle générale aussi bien formulée soit-elle, voici le début des extraits que j’ai sélectionnés dans cette excellente transcription : « c’est un bonheur qui s’obtiendrait dans un certain rapport à la vérité : un vrai bonheur, ou un bonheur vrai. Qu’est-ce que la sagesse? C’est le bonheur dans la vérité, ou ‘la joie qui naît de la vérité ‘. … celui qui n’est pas la récompense de la vertu mais la vertu elle-même… La béatitude, c’est le bonheur du sage, … Disons que la sagesse indique la direction : celle du maximum de bonheur dans le maximum de lucidité. Donc le bonheur est bien le but de la philosophie. … Mais si le bonheur est le but de la philosophie, il n’est pas sa norme. Le but d’une activité, c’est ce vers quoi elle tend; sa norme c’est ce à quoi elle se soumet. … si je dois penser une idée, c’est parce qu’elle me paraît vraie. Le bonheur est le but de la philosophie mais il n’est pas sa norme, parce que la norme de la philosophie c’est la vérité, … Il s’agit de penser non pas ce qui me rend heureux, mais ce qui me paraît vrai ».
Nous reconnaissons la philosophie de Socrate, la vérité avant toute chose, comme seule condition pour pouvoir vivre sainement de corps et d’esprit, la seule condition de bonheur, plus forte que cette dernière, intransigeante. La seule nuance d’André Comte-Sponville est que le bonheur est le but de la philosophie, non pas une hypothétique sagesse inaccessible pour le genre humain, mais un bonheur sous la seule condition de la vérité, un bonheur lucide qui sait écarter le mensonge même au détriment de son propre objet, afin de privilégier la pureté, pour le pire et le meilleur. Et, il conclut son raisonnement en revenant à l’humain, c’est à dire à chacun de nous, la singularité, de la manière suivante : « Eh bien voilà : nous disposons ici d’une excellente pierre de touche, pour savoir qui est philosophe dans l’âme et qui ne l’est pas… De mon point de vue, n’est vraiment philosophe que celui qui aime le bonheur, comme tout le monde, mais qui aime plus encore la vérité – n’est philosophe que celui qui préfère une vraie tristesse à une fausse joie… L’essentiel, c’est de ne pas mentir, et d’abord de ne pas se mentir, sur nous-mêmes, sur le bonheur. »
Nous avons bien une conclusion qui nous concerne tous,  philosophes ou non, une page que l’on pourrait ajouter aux propos sur le bonheur d’Alain.

9 février 2011

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