L’esclavage par l’abondance

Comme toutes les formes de contraintes (fouet, inquisition, privation, idéologie, travail, …) se sont avérées non pérennes, que les civilisations basées sur une exploitation d’une partie de la population se sont effondrées (Christ, athéisme, chambres à gaz, congés payés, …), que le meilleur moyen de motiver un individu est de le priver de quelque chose ou de quelqu’un, alors mécaniquement est née la société de consommation, avatar du capitalisme, de la démocratie et de l’intérêt collectif.

Bien sûr, l’exploitation de l’individu (au sens privation) existe puisqu’il y a les pays du Tiers Monde (j’ai tendance à croire que le Tiers Monde n’est pas celui que l’on croit) et des personnes en difficulté financières qui doivent fournir un effort démesuré ne serait-ce que pour se maintenir à flot. Par contre la différence réside dans le fait que ce n’est pas directement la société de consommation qui impose une contrainte (voire elle apporte de l’aide) mais au contraire elle s’impose comme modèle, comme salut.

Prenons par exemple les OGM, au fond l’objectif est noble car ces produits devraient plus abondants. Mais abondants pour qui ? Pour ceux qui crèvent de la faim en Afrique ? Pour ceux qui ne peuvent pas payer ? Si on produit en suffisance alors on assistera à un effondrement des cours. L’objectif est la rentabilité, l’objectif est de remplacer Dame Nature qui fournit un germe de maïs gratuitement contre des faiseurs de céréales, les laboratoires remplaçant les paysans. Au mieux les OGM n’apporteront rien au problème de la faim dans le monde, au pire ce sera un fléau de plus qui viendra détruire ce qu’il reste de l’écosystème de certains pays, après les effets de la désertification dont nous sommes là aussi les coupables.

Mais les maîtres de ce monde que nous sommes n’en restent pas moins des esclaves, des gardiens de prison. Nous sommes les garants et les victimes. Peur de perdre cette position si durement acquise. Peur de devenir un de ces SDF, de ces épouvantails. Mais aussi et surtout trop accros à cette abondance, drogués, soudoyés, … Une drogue douce comme la cigarette où ce n’est pas tant le tabac qui retient, c’est le geste, l’habitude, l’absence d’urgence, à quoi bon s’en préoccuper. Puis un soir, on se découvre à 40 ans. Avec deux gosses dont il faut assurer l’avenir. Alors on se donne un délai : dix ans maxi. Mais qui sait si à 50 ans j’aurais la force de tout changer. À 50 ans au sommet de sa vie, à 50 ans sur le chemin du retour. Il faudra assurer sa vieillesse. Le piège n’aura même pas besoin de se refermer.

Dans  »L’Évangile du Serpent », Pierre Bordage a écrit :  »Il était l’un, un homme dévoré par la soif de reconnaissance, une âme enfermée dans une prison de chair… C’étaient des enveloppes vides qui essayaient de se remplir de ferveur, des enfants perdus, angoissés, névrotiques, qui cherchaient leur chemin dans les ténèbres. »

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