Des génies, il y en a partout et de tout temps

Le génie est l’art du contournement. Contourner le poids du passé, les futurs probables ou communément admis et rendre le présent improbable, une discontinuité en apparence, en fait une évolution pour l’espèce.

Le génie est toujours là où on ne l’attend pas. Bien qu’il semble que Dame Nature le fasse apparaître à point nommé.

Il n’échappera pas à certains que cette dernière remarque frise le ridicule et n’appartienne qu’à la croyance populaire. Si elle peut servir la cause du business Hollywoodien, elle est immanquablement corrigée dans mes notes.

Des génies, il y en a partout et de tout temps. Une très grande majorité s’ignore soit parce que la complexité de leur pensée échappe à l’Éducation Nationale, qui confond concentration avec intelligence : à l’identique de « Tais-toi quand tu parles » pour l’enfant qui apprend à parler; à l’éducation des masses nivelée par le bas : on confond réussite dans les Études avec réussite sociale, dès lors une chance pour tous revient à former dans un même moule les idiots et les imbéciles, ceux qui comprennent trop lentement et ceux qui comprennent trop vite.

« Connais-toi toi-même », la structuration de la pensée est déjà une étape difficile. Beaucoup n’y parviennent pas et ce n’est pas un cerveau hors normes qui facilite les choses. La plupart de ceux qui y parviennent mettent en veilleuse ces capacités et une maladie ou un accident de la vie peut les remonter à la surface. Une fois qu’un niveau satisfaisant de structuration est atteint avec plus ou moins de mise en sommeil de capacités gênantes, l’individu se met sur le chemin de la vérité sur lui et son rapport au monde, il s’adapte en s’intégrant au mieux. Arriver au bout du chemin n’est pas une chose enviable et le plus souvent c’est un leurre pour s’arrêter de chercher. En tout cas les fruits de cette introspection ne conduisent pas nécessairement à une application pour améliorer notre monde. Et même si c’était le cas, la volonté d’aller au-devant de ceux qui n’en comprendront pas la portée et/ou des résistances au changement n’est guère assuré suivant les époques. Ainsi les idées géniales se transmettre et mûrissent en underground jusqu’à ce que le moment soit propice à leurs révélations, du moins la version courante. Autant vous dire qu’il s’agit de hasard et que nous aurions pu avoir Monsieur Pommier qui aurait crée une new town basée sur l’usage de la gravité !

Sans parler de toutes les idées géniales qui resteront à jamais inconnues.

Je rajoute ici un autre point grâce à, ou plutôt, à cause d’Eve Ruggieri qui nous parle ce matin d’Hendel, un génie.

Croyez-vous qu’il y eut à une certaine époque, celle de Beethoven notamment, un gène musical Allemand ? Ou bien une voie ouverte par Bach et sûrement d’autres, je ne sais, et entretenu par Vienne, dans laquelle tous les talents sont venus s’engouffrer ? Une société adaptée à la musique qui favorise des jeunes esprits élevés dans cette dynamique. La combinaison d’un passé glorieux, d’une société conservatrice et bouillonnante d’idées nouvelles (je pense à Thomas Mann), et d’une nécessité de prouver à un monde ingrat sa valeur. Valorisation qui l’éloigne un peu plus du cercle mondain conduit par la France et l’Angleterre.

Je crois à la combinaison favorable des situations pour l’éveil de l’esprit. Attention l’esprit retord de l’homme de part sa propension à se focaliser sur la nouveauté ne va pas se contenter de situations toutes faites. Les professionnels du Marketing le savent très bien.

Prenez ma modeste personne, mes capacités intellectuelles limitées ou plutôt pas très brillantes, ne suis-je pas en train de mener de front plusieurs vies ? La vie d’un père et mari, actif et en progrès personnel, un informaticien freelance efficace et recherché (un team leader, architecte technique innovant, force de proposition…) et un écrivain quotidien sur le chemin de la philosophie. Et toutes ces actions se renforçant mutuellement, comme des soupapes de sécurité, comme des ressorts pour franchir des paliers.

Mon génie vient de mes actes. Et mes actes viennent de situations pas forcément très enviables mais favorables (à ne pas confondre avec optimales) à l’éclosion génie.

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4 commentaires pour Des génies, il y en a partout et de tout temps

  1. Un Oeil dit :

    Schopenhauer compare l’acte de création à celui de la procréation, avec « l’artiste » dans le rôle femelle et l’environnement (la situation, le contexte) dans le rôle mâle. La création (artistique, intellectuelle…) est ainsi le fruit de la « fécondation » d’un génie par son environnement. Pour Schopi, la femelle tient le rôle principal : un génie tirerait inspiration de n’importe quelle situation même « stérile ». A contrario, la plus extraordinaire situation peut ne donner qu’un fruit médiocre si « l’artiste » est stérile.

    • bgn9000 dit :

      Merci beaucoup pour ta contribution très parlante et très cohérente.
      J’ai le sentiment que ce cher Schopenhauer n’était pas un tendre. Il ne lui est sûrement pas venu à l’esprit que l’artiste « stérile » ne l’était pas vraiment.

      Cela me fait penser à la citation que tu as commenté dans un autre de mes articles :
      « Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait. », Mark Twain.

  2. Un Oeil dit :

    Deuxième contribution qui pourra vous intéresser sur le sujet : Nietzsche ajoute comme composante à l’émergence du génie « la force nerveuse ». Il dit quelque chose comme : « peut-être que ce qui est rare, ce n’est pas tant le génie, mais bien les 500 mains qui sont nécessaires pour empoigner la chance par les cheveux ».

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